Les années 1990

1990

En février 1990, les délégué-es syndicaux du secteur des services de garde de la CSN décident, lors de la réunion nationale, de donner la priorité à l’amélioration des salaires. On entreprend alors une enquête sur les conditions salariales en vigueur dans les garderies. Puis, sur la base des données recueillies, on établit qu’un relèvement salarial de 3,50$ l’heure, étalé sur trois ans, sera revendiqué. Cette demande est soumise à la ministre Violette Trépanier en septembre 1992.

 

Mobilisation et sensibilisation

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De 1992 à 1994, le milieu des services de garde et le mouvement syndical poursuivent une grande offensive visant la mobilisation des membres et la sensibilisation du public aux piètres conditions de travail prévalant dans les garderies.

En mars 1993, la majorité des syndicats de garderies affiliés à la CSN votent pour la tenue d’une journée de grève le 22 avril. Cette date avait d’ailleurs été déclarée « journée nord-américaine des bas salaires en garderie » et des grèves ainsi que des manifestations étaient prévues aux États-Unis et dans les provinces canadiennes dans le but de sensibiliser la population aux faibles salaires en garderie.

Il s’ensuit une série de grèves d’une journée dans les différentes régions du Québec: le 18 mai dans l’Outaouais, le 20 mai à Québec, le 21 mai au Saguenay, le 26 mai à Montréal, le 28 mai en Estrie, en Gaspésie, dans le bas Saint-Laurent et dans les Bois- Francs. Les syndicats demandent à la ministre Trépanier de mettre sur pied un comité pour étudier la question des salaires dans le secteur des services de garde. Celle-ci refuse. N’ayant pas reçu de réponse

favorable, les syndicats de la CSN déclenchent une autre journée de grève, le 30 septembre, et leurs membres tiennent une manifestation devant l’Assemblée nationale.

Cependant, tous ne s’entendent pas dans le milieu des services de garde sur les objectifs et les moyens à privilégier pour obtenir gain de cause. Ainsi, le 28 novembre, le Regroupement des garderies de Montréal et Concertaction interrégionale des garderies du Québec tiennent une grande marche dans les rues de Montréal. Or, cette manifestation est organisée en appui à leur demande particulière, soit l’injection immédiate de 15 millions de dollars dans le réseau des garderies afin de permettre un rehaussement salarial et un gel des tarifs imposés aux parents.

Dans l’ensemble, cette campagne réalise tout de même amplement ses objectifs. Sur le plan de la sensibilisation, la population, qui est mieux informée de la situation, semble plus que jamais sympathique à la cause. En effet, 74 pour cent des gens interrogés dans le cadre d’un sondage SOM-LA Presse-Radio-Québec considèrent que « les revendications salariales des éducatrices en garderie sont justes et légitimes ».

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Le rehaussement des salaires: vers une solution

Au printemps 1994, un nouveau plan d’action en préparation prévoit une panoplie de moyens d’action, dont un nombre variable de journées de grève dans certaines régions et la grève générale illimitée dans les garderies. En mars 1994, le Comité provincial des garderies de la CSN demande au gouvernement que chaque garderie sans but lucratif reçoive, entre le 1er janvier 1994 et le 31 mars 1995, une partie du relèvement salarial sous la forme d’une subvention de 3 000$ par poste de travail équivalant à un temps plein. On réclame aussi la mise sur pied d’un comité de travail afin de trouver une solution permanente au problème des salaires. Enfin, le comité rend public son plan d’action qui consiste en un mouvement de grève devant débuter le 30 mars 1994.

Le 30 mars, trois garderies de la région de Montréal déclenchent donc une grève générale illimitée. Partout en province, des actions en appui au mouvement amorcé à Montréal s’organisent. Chaque semaine, trois nouvelles garderies de la région de Montréal se joignent au mouvement de grève illimitée. Entretemps, la rencontre que tiennent le premier ministre Johnson et des représentants de la CSN et de Concertaction ne donne aucun résultat. Le mouvement de grève s’accélère donc et, le 21 avril – qui est aussi la « deuxième journée d’action nord-américaine sur les salaires en garderies » – , presque tous les syndicats de garderies affiliés à la CSN sont en grève, dont une douzaine de grève générale illimitée. Des manifestations se déroulent aussi à Montréal et à Québec et plusieurs garderies non syndiquées y participent.

Le conseil du statut de la femme presse donc le gouvernement d’agir pour améliorer la situation des éducatrices alors que Concertaction envisage d’inviter les conseils d’administration des garderies à démissionner en bloc au mois de septembre si le gouvernement n’améliore pas de manière significative le financement des garderies.

Fin avril, la ministre Trépanier annonce que le prochain budget contiendra des mesures propres à régler le problème des bas salaires dans le secteur des services de garde.

Le budget qui est déposé le 12 mai prévoit donc une subvention salariale spéciale de 1$ l’heure pour l’ensemble des employé-es des garderies. Cette mesure est cependant temporaire et doit prendre fin le 30 septembre. La subvention sera alors remplacée par des mesures fiscales et de nouvelles modalités d’aide financière, et ce, dans le but de minimiser les impacts des augmentations de tarif sur les parents. Une fois de plus, le gouvernement refuse de subventionner directement les garderies.

Il préfère accorder de l’aide financière aux parents tout en permettant aux garderies de hausser leurs tarifs. Six millions d’argent neuf seront injectés dans la masse salariale des garderies. Dorénavant la bataille devra porter sur le maintien de cet acquis et la consécration d’une subvention salariale récurrente.

Même s’il s’agit d’une mesure temporaire, cette décision de subventionner directement les salaires du secteur des services de garde constitue un précédent important. En effet, dans le passé, le gouvernement avait toujours refusé de financer directement ces salaires en alléguant que les garderies étaient des entités autonomes et que ces décisions relevaient des conseils d’administration.

Quoi qu’il en soit, l’accueil est mitigé dans le milieu des garderies. Si l’on considère qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, l’on anticipe par contre des différends entre les parents et les employé-es lorsque la subvention prendra fin. Plusieurs considèrent aussi que les nouvelles modalités d’aide financière aux parents seront insuffisantes pour permettre le maintien de la hausse salariale de 1$ sans pénaliser les parents.

En août et septembre, les syndicats profitent de la campagne électorale pour interpeller les candidates et les candidats sur les solutions qu’ils envisagent pour le rehaussement des salaires dans les garderies. Puis le Parti québécois remporte les élections. La nouvelle ministre responsable du dossier des garderies, Pauline Marois, annonce que le gouvernement reconduira la subvention pour les salaires jusqu’au 31 mars 1995 et maintiendra les crédits d’impôt et les mesures d’aide financière aux parents qui avaient été instaurées par le gouvernement libéral. Celle-ci crée également un groupe de travail – composé de représentants du milieu des garderies, dont la CSN, et de l’OSGE – qui est chargé d’examiner le financement des garderies et, plus particulièrement, la question des salaires.

En mars 1995, se basant sur certaines recommandations de ce groupe de travail, le gouvernement modifie le mode de financement des garderies. La nouvelle formule, plus simple et plus équitable, prévoit la majoration des subventions afin de rendre permanente l’augmentation de salaire de 1$ l’heure.

Au Sommet socioéconomique de 1996, le gouvernement annonce les principaux éléments de la nouvelle politique familiale. Dans les mois qui suivent, les syndicats préparent les revendications et la mobilisation qui mèneront aux ententes de 1999.

 politicien

 

Extraits tirés du livre: 30 ans déjà
Caricatures: Boris
Photo: Michel Giroux